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Préjudice d'anxiété : des salariés anxieux et des employeurs inquiets...

Publié le : 07/12/2013 07 décembre déc. 12 2013

L’arrêt rendu le 11 mai 2010 par la Chambre sociale de la Cour de Cassation reconnait l’existence d’un "préjudice spécifique d’anxiété" des salariés qui avaient travaillé dans un établissement ouvrant droit au dispositif de l’Allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA), en application de l’article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998, au motif qu’ils se trouvaient "dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante…" (Cass. soc., 11 mai 2010, 09-42.241). Le 25 septembre 2013, la Chambre sociale de la Cour de Cassation réaffirme sa jurisprudence et consacre l’existence d’un préjudice spécifique d’anxiété qui répare "l’ensemble des troubles psychologiques" (Cass. Soc., 25 septembre 2013, n°12-17.667). Ainsi le préjudice spécifique d’anxiété est caractérisé lorsque le salarié, qui a travaillé dans un site "classé amiante", se trouve, par le fait de son employeur exploitant du site, dans une situation d’inquiétude permanente de voir se déclarer à tout moment une maladie liée à l’amiante. Il est à craindre que les salariés bénéficiaires de l’ACAATA se prévalent dune double présomption: l’exposition fautive au risque d’inhalation de poussière d’amiante et l’anxiété qui n’a pas à être objectivée par des éléments médicaux. Le débat n’est pas clos pour autant et de nombreuses questions subsistent. D’abord, la problématique de la prescription des actions avec la coexistence d’une prescription quinquennale de droit commun issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 (article 2224 du Code Civil) et une prescription biennale des actions portant sur l’exécution du contrat de travail résultant de l’article 21 de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 (article L.1471-1 du Code du Travail). Se pose également la question du point de départ du délai de prescription. C’est la promulgation de la loi du 17 juin 2008 pour certains (ce qui explique la célérité avec laquelle les actions ont été introduites devant les CPH avant le 18 juin 2013), mais d’autres points de départ sont envisagés tels que le classement du site, la délivrance des attestations d’exposition... En outre, la jurisprudence de la Cour de Cassation prive t-elle les salariés d’une action dirigée contre des entreprises "non classées" ? Ce n’est pas certain. Le demandeur non bénéficiaire de l’ACAATA ne peut se prévaloir de la double présomption. Il devra rapporter la preuve d’une exposition fautive au risque, d’un préjudice et de son lien de causalité avec une faute de l’employeur en application de l’article 1147 du Code Civil. Enfin, les employeurs s’interrogent légitimement sur le possible élargissement des demandes faites au titre de l’anxiété à d’autres domaines d’activités. La Cour de Cassation souligne le caractère "spécifique" de ce préjudice des salariés exposés à l’amiante. On ne peut toutefois exclure une contagion à d’autres risques professionnels tels que les risques chimiques ou nucléaires. Pour preuve la recrudescence des demandes de délivrance d’attestations d’exposition aux produits chimiques. La prévention doit être plus que jamais au coeur des préoccupations des employeurs. Ces problématiques donneront lieu, à n’en pas douter, à de vifs débats devant les juridictions tant les enjeux financiers sont importants.  
Joumana Frangie-Moukanas

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