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Coronavirus Covid-19 : Quelles réactions des employeurs en matière de droit social ?

Publié le : 04/03/2020 04 mars mars 03 2020

Par Frédéric-Guillaume Laprévote, avocat associé, cabinet Flichy Grangé Avocats – 2 mars 2020
 
Le 30 janvier 2020, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a déclaré que le Coronavirus Covid-19 était une urgence de santé publique de portée internationale.
 
A ce jour, le Coronavirus Covid-19 détecté en Chine, dans la ville de Wuhan, est à l’origine de plus de 85.000 contaminations et de plus de 2.900 décès dans le monde. La France a confirmé 73 cas de Coronavirus Covid-19 sur son territoire, dont deux ont entrainé un décès.
 
Dans le prolongement du passage de l’épidémie au stade 2, le gouvernement a commencé à mettre en œuvre des mesures de « distanciation sociale » telles que l’interdiction des rassemblements de 5.000 personnes et plus en milieu fermé ou la suspension de l’ensemble des voyages scolaires à l’étranger et, en France, dans les zones identifiées comme des « clusters » .
 
La vitesse de propagation de ce virus doit inciter les employeurs à envisager la mise en œuvre de dispositifs de prévention et de réaction aux éventuelles situations liées à ce Coronavirus Covid-19 en tenant compte des recommandations gouvernementales (notamment le Ministère des Solidarités et de la Santé, le Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères et le Ministère du Travail) et des différents organismes officiels (notamment Santé Publique France, les Autorités Régionales de Santé et l’Organisation Mondiale de la Santé).
 
Un Questions/Réponses sur les conséquences du Coronavirus Covid-19 pour les entreprises et les salariés a été publié par le Ministère du Travail le 28 février 2020 (https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/l-actualite-du-ministere/article/coronavirus-questions-reponses-pour-les-entreprises-et-les-salaries). Celui-ci apporte des réponses à certaines questions que les employeurs peuvent se poser aujourd’hui, même s’il ne dispose aucune valeur juridique.
 
La présente note décrit de manière synthétique des développements à anticiper par les employeurs (1.), des mesures de prévention et de protection à mettre en œuvre dans le cadre de l’obligation de sécurité de l’employeur (2.), des dispositifs permettant aux employeurs de faire face aux absences de leurs salariés et aux variations de l’activité de leur entreprise (3.) et des conséquences en matière de rémunération en cas d'isolement, d'éviction, de maintien à domicile, de mise en télétravail ou de dispense d’activité (4.).
 
1. Quels dispositifs permettent aux employeurs de faire face aux absences de leurs salariés et aux variations de l’activité de leur entreprise
 
L’épidémie de Coronavirus Covid-19 est susceptible d’entraîner un ralentissement de l’activité de certaines entreprises ou, au contraire, d’entraîner un accroissement de l’activité de certaines autres. De même, certaines entreprises risquent d’être confrontées à des absences de leurs salariés exigeant la prise de mesures afin d’assurer la continuité de leur activité.
 
  1. Les dispositifs permettant aux employeurs de faire face aux absences de leurs salariés et/ou d’accroissement de l’activité de leur entreprise
 
  • Heures supplémentaires (C. trav., art. L. 3121-28 à L. 3121-40 et D. 3121-17 à D. 3121-24),
 
  • Contrats de travail à durée déterminée et/ou contrats de travail temporaire (C. trav., art. L. 1242-1 à L. 1242-1248-11 et D. 1242-1 à D. 1247-2) (C. trav., art. L.1251-1 à L. 1251-63, R. 1251-4 à R. 1251-31 et D. 1251-1 à D..1251-33. 1251-33)
 
  • Allongement de la durée quotidienne et/ou hebdomadaire de travail (C. trav., L.  121-18 et D. 3121-4 à D. 3131-1 à D. 3131-2) (C. trav. L. 3121-21 et R. 3121-8 à R. 3121-10) (C. trav., L. 3121-22 et R. 3121-8 à R. 3121-11),
 
  • Dérogations aux repos quotidien et/ou hebdomadaire (C. trav., art. L. 3132-2) (C. trav., art. L. 3131-1 à L. 3131-3 et D. 3131-1 à D. 3131-2), et/ou
 
  • Dérogation à la durée maximale quotidienne du travail de nuit (C. trav., art. L. 3122-6 et R. 3122-1 à R. 3122-6).
 
Certains de ces dispositifs nécessitent toutefois une consultation préalable du Comité Social et Economique ainsi qu’une information voire une autorisation préalable de l’Inspection du Travail ou du Directeur de la DIRECCTE. De même, certains de ces dispositifs ne peuvent être mis en œuvre que dans des circonstances particulières (exemples : travaux urgents pour prévenir des accidents imminents, réparer des accidents survenus, organiser des mesures de sauvetage, surcroît temporaire d’activité, remplacement de salarié absent, etc.).
 
  1. Les dispositifs permettant aux employeurs de faire face à une réduction de l’activité de leur entreprise
 
  • Activité partielle (C. trav., L. 5122-1 à L. 5122-5 et R. 5122-1 à R. 5122-26)
 
Le dispositif d’activité partielle peut être sollicité par les entreprises dans le cadre de difficultés d’approvisionnement en matière première ou en énergie ou de circonstances à caractère exceptionnel (exemples proposés par le Ministère du Travail dans le cadre de l’épidémie de Coronavirus Covid-19 : fermeture administrative, interdiction de manifestations publiques à la suite d’une décision administrative, absence massive de salariés indispensables à l’activité de l’entreprise, interruption temporaire des activités essentielles, suspension des transports en commun par décision administrative et baisse d’activité liée à l’épidémie).
 
Les salariés qui, tout en restant liés à leur employeur par un contrat de travail, subissent une perte de salaire imputable soit à la fermeture temporaire de l’établissement (ou de partie de l’établissement), soit à la réduction de l’horaire de travail habituellement pratiqué dans l’établissement en deçà de la durée légale du travail, bénéficient d’une allocation forfaitaire cofinancée par l’Etat et l’UNEDIC :
 
  • 7,74 € pour les entreprises de moins de 250 salariés ;
 
  • 7,23 € pour les entreprises de plus de 250 salariés.
 
La mise en activité partielle de l’entreprise nécessite un avis préalable du Comité Social et Economique dans les entreprises d’au moins 50 salariés et une autorisation administrative.
 
  • FNE-Formation
 
En cas de sous-activité prolongée, voire d’arrêt total de l’activité, les entreprises peuvent demander à bénéficier du FNE-Formation en lieu et place de l’activité partielle afin d’investir dans les compétences des salariés.
 
2. Quelles sont les mesures de prévention et de protection à mettre en place dans le cadre de l’obligation de sécurité de l’employeur ?
 
Afin de respecter son obligation de sécurité, prescrite à l’article L. 4121-1 du Code du travail, l’employeur doit mettre en place des dispositifs pour la protection de la santé physique et mentale des salariés, en lien avec la Médecine du travail et les représentants du personnel, l’absence de consultation de ces derniers étant susceptible constituer un délit d’entrave.
 
A titre d’illustration, il semble utile d’adopter les mesures suivantes :
 
  • Se référer aux mesures prévues dans le Plan de Continuité d’Activité (PCA) lorsqu’un tel plan existe. Le Plan de Continuité d’Activité (PCA) vise en effet à définir les mesures nécessaires pour permettre à l’entreprise de poursuivre son activité en cas de crise majeure, telle qu’une épidémie.
 
  • Se référer au Document Unique d’Evaluation des Risques (DUER).
 
  • Organiser le rapatriement des salariés expatriés, détachés ou en déplacement dans des zones touchées ou susceptibles d’être prochainement touchées par le Coronavirus Covid-19 en l’absence de mesures particulières prises par l’Etat français à ce titre.
 
Si le salarié est en situation de détachement, en déplacement à l’étranger ou affecté à l’étranger en exécution d’une clause de mobilité, le rapatriement pourra être organisé dans le cadre de l’exercice du pouvoir de direction de l’employeur, en respectant un délai de prévenance suffisant le cas échéant.
 
Pour les salariés expatriés ou affectés à l’étranger pour une durée déterminée prévue par une clause de leur contrat de travail, le rapatriement nécessitera leur accord. En cas de refus du rapatriement, l’employeur ne pourra pas faire usage de son pouvoir disciplinaire. Il devra néanmoins mettre des équipements individuels de protection à la disposition des salariés qui décideraient de rester dans des zones touchées ou susceptibles d’être prochainement touchées par le Coronavirus Covid-19 et des informations sur le virus ainsi que la propagation de l’épidémie, tout en leur demandant, dans la mesure du possible, d’éviter toute activité professionnelle de nature à les exposer au virus. L’employeur devra s’assurer de l’application des consignes de prévention et de l’utilisation des équipements individuels de protection.

 
 
  • Limiter autant que possible les déplacements des salariés, en avion et/ou dans les zones touchées ou susceptibles d’être prochainement touchées par le Coronavirus Covid-19, notamment en recourant à des moyens de communication à distance (meetings Skype, communications téléphoniques, conférences téléphoniques, messages électroniques, etc.) lorsqu’un tel recours est possible. Si un déplacement dans une zone à risque est impératif, l’employeur devra communiquer des informations sur le virus ainsi que la propagation de l’épidémie au salarié, mettre des équipements individuels de protection à sa disposition et s’assurer de l’application des consignes de prévention et de l’utilisation des équipements individuels de protection.
 
  • Proposer la mise en place d’une période de télétravail aux salariés asymptomatiques ayant récemment voyagé dans les zones touchées par l’épidémie ou ayant été en contact avec des malades ou des personnes de retour de zones touchées par l’épidémie, voire organiser une dispense d’activité avec maintien de la rémunération pendant une période calculée au regard du délai d’incubation du Coronavirus Covid-19.
 
Si le poste de travail du salarié le permet, une période de télétravail pourra être mise en œuvre. En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie, ou en cas de force majeure, l’article L. 1222-11 du Code du travail prévoit que la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés. Dans une telle circonstance, la mise en place du télétravail ne nécessite pas l’accord préalable du salarié.
 
  • Informer et sensibiliser les salariés susceptibles d’avoir été exposés ou d’être exposés au Coronavirus Covid-19 (via affichage, site internet, courriels électroniques, sessions d’information, etc.).
 
  • Mettre à disposition des salariés des équipements individuels de protection (masque chirurgical, masque de protection, masque anti-projection, savon désinfectant, solution hydro-alcoolique, gants, etc.), en particulier pour les salariés exposés au risque (notamment les expatriés, détachés ou en déplacement dans des zones touchées ou susceptibles d’être prochainement touchées par le Coronavirus Covid-19 et les salariés en contact avec des personnes en provenance ou susceptible de provenir des zones touchées par l’épidémie).
 
  • Organiser des actions de formation à destination des salariés susceptibles d’être exposés au Coronavirus Covid-19. Ces formations pourront concerner les mesures mises en œuvre par la Direction, les gestes « barrière », les modalités d’utilisation des équipements individuels de protection, etc.
 
  • Planifier des désinfections régulières des locaux et des outils de travail en cas d’exposition ou de risque d’exposition des salariés au Coronavirus Covid-19. En cas de contamination d’un salarié ayant fréquenté les locaux de l’entreprise, il sera nécessaire de procéder à une décontamination des locaux conformément aux préconisations des autorités et, notamment, du Ministère du Travail (Q/R Covid-19, 28 février 2020, n° 18).
 
  • Prévoir éventuellement un accompagnement psychologique des salariés susceptibles d’avoir été exposés ou d’être exposés au Coronavirus Covid-19.

 
 
3. Quels développements doivent être anticipés par les employeurs ?
 
Les employeurs pourraient aussi être confrontés à des salariés qui feraient usage de leur droit de retrait, ou encore à l’exercice d’un droit d’alerte pour danger grave et imminent par un Comité Social et Economique (ou par une commission santé, sécurité et conditions de travail). Certains salariés ont d’ores et déjà utilisés leur droit de retrait en raison de l’épidémie de Coronavirus Covid-19 afin de cesser leur travail et demander un aménagement de leurs conditions de travail. Dans ces conditions, il est recommandé aux employeurs de se préparer au déclenchement d’une enquête et, le cas, échéant, d’en tirer les conséquences lorsque le risque est caractérisé. On rappellera que le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur est de droit pour le ou les salariés qui seraient victimes d'une maladie professionnelle alors qu'eux-mêmes ou un représentant du personnel au Comité Social et Economique auraient signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé.
 
Les employeurs pourraient également devoir faire face à des demandes de reconnaissance du Coronavirus Covid-19 en tant que maladie professionnelle par des salariés contaminés. En effet, peut être reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 25 %, après un avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. Face à de telles demandes de reconnaissance de l’origine professionnelle de contaminations par le Coronavirus Covid-19, il reviendrait aux employeurs d’apprécier l’opportunité de contester une telle qualification et la prise en charge qui en découlerait au regard des circonstances de chaque cas individuel. S’agissant de la possible contestation du caractère professionnel de la contamination, il pourrait se poser la question de savoir si la pathologie a bien été contractée à l’occasion du travail habituel du salarié.
 
On rappellera que le contrat de travail du salarié victime d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par la maladie. Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la maladie. A l'issue de ces périodes, le salarié doit retrouver son emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente. Les conséquences de la maladie professionnelle ne peuvent entraîner pour le salarié aucun retard de promotion ou d'avancement au sein de l'entreprise.
 
Enfin, si l’épidémie venait à se propager, les employeurs devraient envisager l’actualisation de leur Document unique d’évaluation des risques (DUER) à l’aune des situations de travail constatées ainsi que l’adoption ou la mise à jour de leur Plan de Continuité d’Activité (PCA). On soulignera que le défaut d’élaboration et d’actualisation du Document unique d’évaluation des risques (DUER) expose l’employeur à une amende de 1.500 Euros (3.000 Euros en cas de récidive) ainsi qu’à une condamnation pour faute inexcusable en cas de réalisation du risque. La reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur permet à la victime ou à ses ayants droit d'obtenir une majoration de leur rente, et une indemnisation complémentaire au titre de divers préjudices subis et non réparés par la majoration.
 
4. Quelles sont les incidences en matière de rémunération en cas d'isolement, d'éviction, de maintien à domicile de mise en télétravail ou de dispense d’activité ?
 
En cas d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile avec impossibilité de travailler, un décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 détermine les conditions de versement des prestations maladie délivrées par les régimes d'assurance-maladie.
 
Ce décret prévoit la possibilité d'ouvrir le droit aux indemnités journalières pour une durée de 20 jours sans que soient remplies les conditions d'ouverture de droit relatives aux durées minimales d'activité ou à une contributivité minimale. Il prévoit également de ne pas appliquer les délais de carence, afin de permettre le versement des indemnités journalières dès le premier jour d'arrêt.
 
Les arrêts de travail en vue d’une mise en isolement pour cause de coronavirus ou de la garde d’un enfant soumis à une mesure d’isolement sont prescrits par les médecins de l’Agence Régionale de Santé (www.ars.santé.fr). Pour rappel, le médecin du travail ne peut pas prescrire d’arrêt de travail.
 
En cas de dispense d’activité accordée par l’employeur à l’un de ses salariés afin de le maintenir à distance des locaux de l’entreprise, la rémunération doit être maintenue par l’employeur. L’absence doit être assimilée à une période normalement travaillée ouvrant le bénéfice aux mêmes droits que les salariés présents dans l’entreprise.
 
En cas de mise en place d’une période de télétravail occasionnel, la rémunération doit aussi être maintenue par l’employeur.
 

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