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L'arrêt à ne pas manquer | L’enquête interne : une obligation lors de la dénonciation de faits de harcèlement moral ?

Publié le : 25/07/2024 25 juillet juil. 07 2024

L’employeur manque-t-il nécessairement à son obligation de santé et de sécurité dès lors qu’il ne diligente aucune enquête interne à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral ? Par son arrêt rendu le 12 juin dernier, la chambre sociale de la Cour de cassation semble revenir sur sa position. 

Obligation de sécurité de l’employeur

L’employeur, tenu à une obligation générale de protection de la santé de ses salariés, doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour prévenir des faits de harcèlement moral au sein de l’entreprise. Il est dans ce cadre tenu de réagir immédiatement à toute situation de harcèlement.

Dans un arrêt de 2019, la Cour de cassation avait retenu qu’il appartenait à l’employeur avisé de faits éventuels de harcèlement de diligenter une enquête interne afin de vérifier les allégations rapportées (Cass., soc. 27.11.2019, n° 18-10551). En l’absence d’une telle enquête, un salarié pouvait demander des dommages-intérêts en raison du manquement de l’employeur à son obligation de prévention, même en l’absence de faits de harcèlement moral avéré.
Cet arrêt avait notamment pour effet d’assurer à un salarié le droit à une enquête interne qu’il saisisse son employeur directement ou qu’il saisisse un membre de la délégation du personnel au CSE, l’obligation de diligenter une enquête étant alors expressément prévue à l’article L. 2312-59 du Code du travail.

Une enquête interne non systématique

En l’espèce, à la suite d’un changement de direction et de politique interne, une salariée estimait avoir subi une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé ; elle évoquait notamment la disparition de son poste dans l’organigramme, l’annulation de ses délégations de pouvoir et une mise à l’écart de la part de l’une de ses collègues. Ce dernier point avait, en particulier, fait l’objet d’une dénonciation auprès du directeur général de la société. Si celui-ci avait expressément répondu à ses revendications, il n’avait pas pris l’initiative de déclencher une enquête interne. La salariée en déduisait que l’employeur n’avait pas pris les mesures appropriées pour préserver sa santé et sa sécurité. 

Les juges du fonds avaient débouté la salariée de ses demandes en relevant que l’employeur avait réagi de manière adéquate, peu importe l’absence d’enquête interne. La Cour de cassation confirme cette décision en relevant que « dans son appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel qui a fait ressortir que l’employeur avait pris les mesures suffisantes de nature à préserver la santé et la sécurité de la salariée, a pu en déduire, nonobstant l’absence d’enquête interne, que celui-ci n’avait pas manqué à son obligation de sécurité ».  

La nécessité de mesures appropriées

Cet arrêt ne doit pas être interprété comme dispensant l’employeur de toute obligation en cas de dénonciation de faits de harcèlement moral.
Dans cette hypothèse, l’employeur doit toujours être en mesure, pour satisfaire à son obligation de sécurité, de justifier qu’il a pris toutes les mesures nécessaires afin de préserver la santé de ses salariés. Les juges prennent d’ailleurs le soin, dans cette décision, de relever que « l’employeur avait pris des mesures suffisantes de nature à préserver la santé et la sécurité de la salariée », caractérisées, ici, par une prise de position de son supérieur sur le différend l’opposant à une collègue, et une réponse aux éclaircissements demandés sur son positionnement au sein de l’entreprise.

Et parmi ces « mesures suffisantes » attendues de l’employeur, l’enquête interne – si elle n’est plus nécessairement systématique - garde malgré tout une place essentielle et notamment dans les entreprises ayant au moins 50 salariés et tenues, en application de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 et du décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022, de mettre en place une procédure de recueil et traitement des signalements. En effet, un salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral pourrait prétendre avoir le statut de « lanceur d’alerte » et son employeur devra lui communiquer les mesures envisagées ou prises pour évaluer l’exactitude de ses allégations. Or, il semble difficile d’évaluer l’exactitude des faits sans procéder à une enquête interne.

Cass. Soc., 12 juin 2024, n°23-13.975 

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